Diplomatie de crise : mission de la dernière chance au Cameroun

«  …La venue à la fois de ces trois importantes organisations internationales au Cameroun, ressemble étrangement à toutes ces missions de diplomates qui sont descendues au Zaïre (aujourd’hui RDC) à la fin du règne de Joseph-Désiré Mobutu alias Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Za Banga, puis en Lybie à la fin de règne du guide suprême Mouammar Kadhafi, ou en Côte d’Ivoire, pour demander à Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir ».

Quoi qu’il en soit, la mission que conduisent conjointement Madame Mushikiwabo Louise, Secrétaire Générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), Monsieur Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union africaine (UA) et Madame Patricia Scotland la Secrétaire Générale du Commonwealth, a été longuement reçue à son arrivée à Yaoundé le 27 novembre 2019, par le Chef de l’Etat camerounais Monsieur Paul Biya. Au menu : l’évolution de la situation dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, la mise en œuvre des recommandations du Grand dialogue national organisé par la Président Paul BIYA, du 30 septembre au 4 octobre 2019 et la situation politique du pays, avec la crise post-électorale, née de la contestation du résultat de l’élection présidentielle d’octobre 2018, ainsi que des récriminations sur le processus d’organisation des élections couplées (législatives et municipale) de février 2020.

A l’issus de l’audience qui a durée soixante quinze minutes, ces émissaires internationaux ont déclaré avoir l’obligation de contribuer modestement par des conseils, des interventions dans des actions de médiation ou sur des sujets techniques comme le bilinguisme et le multiculturalisme, à la résolution de ces crises qui secouent le Cameroun. La Secrétaire Générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie a indiqué que « le Cameroun est un pays très important pour nos organisations, pour la sous-région et le continent ».

Après, la délégation continue de rencontrer quelques leaders d’opinion et présidents de partis politiques, au rang desquels le Pr Maurice Kamto, le principal opposant au régime. Mais au-delà de tout ce qui se passe et se raconte aux différentes étapes de cette mission conjointe, Monsieur Ngoura Mbele, analyste géo-stratège camerounais à Hamburg (Allemagne), pense qu’il y a de quoi s’inquiéter pour le président Biya. Il fait observer que « Le 27 avril 1997, Joseph Désiré Moboutou, entouré de sa famille et de ses proches collaborateurs, reçoit chez lui une délégation américaine de haut niveau, conduite par l’ambassadeur américain aux nations-Unis Bill Richardson, et qui comprend des diplomates et membres du conseil national de sécurité et de la CIA […] Manière de bien faire comprendre au "Grand léopard" qu’il ne pourra plus jouer les uns contre les autres et qu’il lui faut accepter sa dernière chance, de partir dans " l’honneur et la dignité" . En échange, Washington garantit sa sécurité personnelle. Richardson lui remet une lettre de Bill Clinton, lui demandant de rencontrer Joseph Kabila et de nommer une équipe chargée de transférer le pouvoir ».

Qu’en sera t-il du Cameroun ? Toujours selon l’analyste Ngoura Mbelle : « …ce sont des diplomates en service dans une organisation internationale qui ont aussi été envoyés à Yaoundé comme au Zaïre, avec Bill Richardson et sa délégation de diplomates onusiens […] La mission conjointe qui séjourne depuis deux jours au Cameroun, intervient en pleine guerre civile comme au Zaïre à l’époque, surtout après que Monsieur Tibor Nagy, le Sous-secrétaire américain aux affaires africaines, ait dit, il y a quelques jours, que l’armée camerounaise ne peut pas gagner cette guerre contre les réceptionniste dans les régions anglophones du Cameroun, et appelé à la convocation d’un "vrai dialogue" et à un "transfert de pouvoir" vers les régions anglophones du Cameroun… ». Tout porte donc à croire que c’est une « mission de la dernière chance » pour le président Paul Biya, âgé aujourd’hui de 86 ans, avec plus de 37 années à la tête de l’Etat.

CHEF ABY