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Amos Traore | Africain.info | vendredi 11 janvier 2019
Les dirigeants politiques africains ont coutume de dire à qui veut l’entendre que le continent est débarrassé du joug du colonialisme. Sur le papier ils disent vrai, depuis de nombreuses années, tous les pays africains sont "souverains". La souveraineté est essentielle pour toutes nations qui aspirent au développement car elle permet de décider du cap qui doit être suivi et les moyens qui doivent être mis en oeuvre pour atteindre un objectif commun. Malheureusement en Afrique, les hommes politiques, sans doute guidés par certains calculs, se leurrent en voulant cacher le soleil avec leur main. L’Afrique n’a pas encore son destin en main. Toutes les actions politiques cruciales de la majeure partie des pays africains sont téléguidées depuis l’extérieur. Il faut donc adopter une nouvelle approche et pour cela il faut qu’un nouveau prototype de décideurs arrive à émerger et porter le continent. (Photo : Thierno Alassane Sall, ancien ministre de l’énergie du Sénégal)
L’Afrique est le continent des paradoxes par excellence. L’Afrique possède toutes les ressources nécessaires pour impulser un extraordinaire développement et devenir le continent de toutes les possibilités. Ressources naturelles quasi inépuisable, population jeune, dynamique et pleine d’ambition, l’Afrique regorge de tant de potentialités que l’on n’arrive pas à comprendre comment elle est à la traîne en matière de développement. Pour prétendre au développement, l’Afrique compte sur les autres alors qu’elle pourrait réaliser de fantastiques prouesses en ne comptant uniquement sur la volonté, le courage, l’intégrité, la vision de ses fils. Malheureusement, ce sont les mêmes fils du continent qui sont responsables de la situation actuelle de l’Afrique. Ayant hérité d’un passé lourd aux multiples contours, les fils de l’Afrique n’ont pas eu le courage d’amorcer un véritable changement pour que le continent puisse rayonner. Depuis les indépendances jusqu’à maintenant, les différents leaders du continent n’ont pas eu le cran de s’affranchir réellement du diktat des puissances coloniale.
Certains ont essayé, mais ils en ont payé le prix fort, ce qui fait que le continent continue de végéter dans une certaine léthargie. Cependant, un nouveau type de leader politique veut faire bouger les lignes. Ces nouveaux leaders refusent de voir l’Afrique se diriger vers le précipice sans rien faire, quitte à mettre en jeu leurs carrières. Thierno Alassane Sall, l’ancien ministre de l’Énergie du Sénégal a donné une belle leçon de courage, d’exemplarité et de probité à toute la classe politique africaine. Depuis peu, des gisements de pétrole ont été découverts au large du Sénégal, ce qui va faire entrer le pays de la Teranga dans le cercle fermé des nations productrices d’or noir et cela suscite de nombreuses convoitises. De grandes compagnies de pétroles se sont positionnées pour avoir les faveurs de l’Etat sénégalais et obtenir les permis nécessaires pour exploiter le pétrole. Au nombre de ces compagnies, il y a le groupe français Total qui partait avec un gros handicap. Le contrat proposé par la firme française était en dessous des attentes. Mais vu la place qu’occupe la France dans les affaires du Sénégal, les plus hautes autorités sénégalaises semblaient prêtes à céder l’exploitation des gisements de pétrole à la compagnie française même avec un contrat au rabais.
C’est là que Thierno Alassane Sall est entré en jeu. En tant que ministre de l’Energie, il était celui qui devait piloter les tractations afin de permettre à Total de remporter le contrat. C’était sans compter sur l’honnêteté, la probité et le sens du patriotisme du ministre sénégalais, qui malgré les énormes pressions qui pesaient sur lui, a tout simplement refusé de signer le contrat avec Total car les termes de l’accord ne profitaient pas du tout au peuple sénégalais. Déterminé et droit dans ses bottes il aurait indiqué à Macky Sall le caractère pernicieux, lâche et sans valeur du contrat avec Total. " Je suis de la génération qui lutte pour l’émancipation et l’indépendance économique, sociale et politique de notre pays, je ne suis pas de ceux-la qui pense que la France nous donne des sucettes qu’on doit leur donner notre pétrole en échange sans exiger le juste prix." dira Alassane Sall dans les couloirs de la présidence. Quel cran et quelle vision, imaginons un peu si il y avait un peu plus de dirigeants politiques africains avec l’audace et l’intégrité de Thierno Alassane Sall, cela aurait été un formidable atout pour l’Afrique. Le continent est à un tournant et il faut que les dirigeants s’assument désormais, il faut arrêter avec la politique de l’autruche, de la peur, de la suffisance, et mettre en place des actions qui permettront aux Africains de libérer tout leur potentiel, quitte à froisser certaines officines à l’étranger, ce n’est qu’en agissant ainsi que l’Afrique pourra aller de l’avant. Thierno Alassane Sall a montré la voie, pour cela il a été débarqué de son poste ministériel. D’autres élites politiques seraient inspirées de lui emboîter le pas, il en va de l’avenir de l’Afrique.