Le jeudi 19 mars 2020 à Paris, Aurlus Mabélé, de son vrai nom Aurelien MIATSONAMA est mort du Coronavirus à l’âge de 67 ans. La triste nouvelle, qui plonge le monde de la musique africaine dans le deuil est rendue publique par sa fille Liza Monet.
Si la vie est souvent un combat ou une bataille dont on peut sortir vainqueur, la mort est un combat ou une bataille qu’aucun être humain ne peut gagner, quel que soit son statut social.
Si l’Art n’a pas de Partie, les artistes ont une Patrie. Aurlus Mabélé est né à Brazzaville en 1953 dans le quartier cosmopolite et multiculturel de Poto-Poto. En effet, ce quartier, l’un des plus ancien de Brazzaville, brassait et brasse encore, par son histoire, toutes les ethnies du Congo, ainsi que les ressortissants de pays limitrophes : RD-Congo, Centrafrique, Gabon, Cameroun et Cabinda. Plus loin encore : Tchad, Sénégal, Mali, Nigéria, Niger, Togo, Bénin, Angola et Mauritanie. Naître et vivre à Poto Poto, c’est s’enrichir dans cet immense gisement culturel.
N’oublions pas que, c’est dans ce gisement culturel que naquit la Rumba congolaise, avec de grands chanteurs, musiciens, groupes vocaux et orchestres. C’est dans ce gisement que, dès son enfance, le jeune Aurlus Mabélé va puiser son inspiration et son imagination artistique et musical.
Si d’une manière générale, un artiste est constitué de deux personnes, celle qui vit et celle qui crée, Aurlus Mabélé va très vite mélanger ces deux personnes dans son oeuvre musicale. Il va confondre son être et sa création artistique.
Ces fans vont s’en rendre compte jusqu’à l’éclatement de son génie. Sa création musicale sera la copie exacte de sa personne. Exemple : le sourire d’Aurlus Mabélé dans la vie comme sur scène, était le même. Son sourire communiquant était comme un vaccin contre la mélancolie et la tristesse. Son sourire lui permettait de séduire ses fans et d’agrandir son oeuvre musicale.
Au début de sa carrière, Aurlus Mabélé est danseur de ballet. Dans les années 70, excellent chanteur, il fonde avec des amis à Brazzaville le groupe Ndima Lokolé. Le succès n’est pas encore totalement au rendez-vous. Dans les années 80, il monte à Paris. En 1986, il fonde avec un excellent guitariste Diblo Dibala et Mav Cacharel le groupe Lokéto. C’est dans ce groupe, que le génie de l’enfant de Poto Poto va éclater à la face du monde. Avec l’assistance de Michel Nicole, sillonne la France, l’Europe, l’Afrique mais surtout la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion où il rencontre un immense succès et obtient la couronne mondiale du Soukous. Il faut associer à cette brillante carrière son producteur Jimmy Houetinou. Aurlus Mabélé, dans l’élégance, a été aussi “le sapeur” et l’un des initiateurs et des promoteurs de ce mouvement vestimentaire au Congo et dans le monde.
En 26 ans de carrière, Aurlus Mabélé a vendu dans le monde plus de 10 millions d’albums avec des succès comme : “Africa Musso”, “Femme ivoirienne”, “Embargo”, “Betty”, “Asta Dé”, “Lokéto”, “Zobola”, “Ebouka”, “Sans frontières”, “Waka-Waka”, “Vacances aux Antilles”, “Rosine”, “Soukouss immédiat”, pour ne citer que ceux-là.
En 2005, le roi du Soukouss avait été diagnostiqué d’une tumeur maligne et peu de temps après il avait été victime d’une attaque vasculaire cérébrale. Grâce au soutien de ses proches, de son producteur et des ses fans il avait surmonté l’épreuve et continué à faire vibrer de joie et de bonheur son public pendant ses concerts. Mais depuis 2018, l’ambassadeur du Soukous était très malade et affaibli. Admis dans une maison médicalisée, ses proches nourrissaient l’espoir de jours meilleurs.
Aurlus Mabélé, monstre sacré et légende du Soukous, laisse à la postérité, une oeuvre musicale exceptionnelle qui marquera l’histoire de la musique africaine dans le monde.
Appolinaire NGOLONGOLO
Journaliste