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Zachée Betche | Africain.info | vendredi 3 avril 2020
Dans le contexte pandémique du Covid-19, la théorisation de la distanciation sociale s’est imposée quasiment à tous les pays du monde. Malgré quelques résistances observées au début de la crise par certains politiques peu enclins au suivisme, cette méthodologie citoyenne est subitement érigée en panacée universelle. Les Etats semblent finalement ne pas trop avoir le choix tant ce recours paraît logique et stratégique.
Dans de nombreux pays, le confinement se règle honteusement à coups de bâton voire de feu. De nombreuses images compromettantes des pays matériellement pauvres apparaissent sur la toile médiatique. On y voit toutes sortes de personnes et des situations. Le spectacle d’un homme en arme tabassant, par exemple, une pauvre mère vendant des fruits dans la rue est terriblement ubuesque. Sans doute, le mode de transmission du virus est indéniablement associé à la proximité des sujets. Mais comment s’y faire ?
A la vérité, la réalité des sociologies varie malgré la gravité de la pandémie. Ce n’est pas tant la théorie qui est problématique mais la praxis sociale elle-même. Au moins sur le plan du confinement physique, il s’agira de questionner la capacité humaine, en Afrique comme dans de nombreux autres pays du globe, à pouvoir se confiner. En Inde, des foules entières, redoutant les contraintes à venir, prennent la direction de leurs contrées d’origine. Ce geste de repli sur soi ne correspond pas toujours à la conservation de la vie. Tel est le paradoxe : rester chez soi, pour une majorité de la population mondiale, c’est mourir. Cette solitude stratégique en temps de crise est néanmoins une problématique cruciale. De quoi vit-on dans ces bidonvilles ? Si L’OMS rentre dans une forme d’alarmisme en ce qui concerne l’Afrique, c’est bien parce qu’elle a à l’esprit l’état de salubrité, du manque criard de structures de santé dignes.
En versant dans un faux euphémisme, l’on dirait que l’habitat, pour la plupart des individus et des familles, est un lieu de proximité par excellence. Or il s’agit bien d’un environnement de promiscuité qui en dit long sur ses caractéristiques. L’existence des lieux précaires dans les pays africains n’est pas un mythe. Ces chaumières, plus subies que voulues, apparaissent aussi comme des cadres de confinement proches de la mort. En réalité, l’impossibilité de se confiner vient du fait que la vie de ces hères est en soi confinement ; c’est beaucoup plus un non-être qu’un véritablement être. Le propre des bidonvilles c’est de symboliser des lieux d’où l’on surgit pour aller chercher sa pitance afin de remplir l’exigence de la survie quotidienne.
Aussi, outre les contextes économiques délétères de certains cadres de vie, l’isolement, s’il faudrait véritablement en arriver là, en Afrique, impose un changement culturel radical. Car il est perçu et vécu à la fois comme une misère anthropologique radicale. Le simple fait de ne pas s’approcher d’un parent malade ou mourant est profondément inconcevable. En réalité, tout confinement résonne comme cette alerte subliminale de la mort.
Et si la recette du confinement tel qu’il est pensé dans les pays nantis devrait s’appliquer, qu’en sera-t-il du confort et de la fluidité dans les transports ? Sans doute faudra-t-il invoquer un sens aiguë de créativité pour donner sens aux mesures. Il faut pluriversaliser ses propres imaginaires. Au moins, ceci me paraît d’une intraitable urgence. Il faudra d’abord un sursaut d’humanité pour les dirigeants des pays concernés. L’exigence du dépassement de l’opacité communicationnelle, la mise en place de toutes sortes de conditions idoines - l’octroi des logis décents, celui des moyens de subsistance et d’assistance sanitaire - ne doit pas être un luxe. Dans certains pays, comme le Nigéria, les plus nantis ont pris de l’avance sur la charité internationale aux contours parfois suspects. Le Tiers-Monde n’est pas à sa première expérience et de plus en plus de peuples redoutent le zèle humanitaire mondialement organisé.
Zachée Betche
