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Cameroun : Donnez-nous notre liberté (par Sissiku Julius Ayuktabe)

Par APO | Africain.info | jeudi 1er août 2019
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Nous sommes dans un état de plus en plus grave - négligés et oubliés par le monde entier, ce qui permet à nos ravisseurs de nous infliger une violence indicible

YAOUNDE, Cameroun, 1 août 2019/ — Par Sissiku Julius Ayuktabe

Je vous écris aujourd’hui de la prison principale de Kondengui, où je suis injustement détenu avec une partie importante de mon cabinet et avec des milliers d’autres prisonniers du sud du Cameroun érigés contre le régime répressif de Paul Biya, le despote au pouvoir au Cameroun. Nous sommes dans un état de plus en plus grave - négligés et oubliés par le monde entier, ce qui permet à nos ravisseurs de nous infliger une violence indicible. Ceci, en réalité, est révélateur de la lutte plus large à laquelle mon peuple a été confronté, souvent en silence et trop souvent ignorée.

Depuis ces deux dernières années, j’ai l’honneur de présider le gouvernement provisoire du Sud-Cameroun. Il y a plusieurs mois, j’ai été enlevé illégalement avec une partie de mon cabinet à l’hôtel Nera à Abuja, au Nigéria, puis transféré illégalement au Cameroun, en violation du Droit international. Certes, je ne suis que la dernière victime d’une catastrophe qui a longtemps plané, et qui se manifeste aujourd’hui par une fracture sociale croissante qui a entraîné d’innombrables morts et destructions.

Historiquement, la République du Cameroun a obtenu son indépendance le 1er janvier 1960 et est devenue membre des Nations Unies avec son propre territoire clairement défini, partageant une frontière reconnue avec le sud du Cameroun. L’indépendance du Cameroun britannique a par la suite été accordée le 1er octobre 1961 ; son propre territoire a également été clairement défini, partageant des frontières communes avec la République fédérale du Nigéria et le Cameroun.

En tant que tel, la cause profonde de la crise actuelle est le résultat d’un processus de décolonisation extrêmement bâclé. Et cela doit être réglé immédiatement avant de pouvoir trouver une solution durable fondée sur le Droit international, une culture de la justice et le respect fondamental de la dignité humaine. En bref, le Droit international confère au Sud du Cameroun le droit à l’autodétermination. Qui plus est, la violence et les meurtres qui s’y produisent actuellement ne nous ont laissé aucune alternative que de nous battre, de nous défendre et de nous libérer des chaînes du colonialisme du noir sur le noir.

Le traitement injuste des Camerounais du Sud est, aujourd’hui, une réalité inévitable et tragique. Nos gens sont tués non pour ce qu’ils ont fait mais pour ce qu’ils sont. Notre peuple a en effet été décrit comme des « rats » et des « chiens » par des membres du gouvernement camerounais. Il y a des appels à nous exterminer, nous et d’autres Ambazoniens, avec la justification que le président Biya a le droit de tuer tout le monde sous prétexte d ’« unité nationale ».

Imaginez qu’on vous dise que vous êtes les ennemis de la maison ; imaginez que l’on ordonne à votre peuple de quitter ses terres et ses villages ancestraux ou d’être considéré comme terroriste ; imaginez la politique de la terre brûlée et les opérations militaires dans nos villages qui n’a épargné personne, pas même les femmes âgées et les jeunes enfants ; imaginez simplement que vous vous sentiez comme un citoyen de seconde classe dans votre pays de naissance. Ce sont les faits brutaux d’aujourd’hui, qui font froid dans le dos, et les conditions de vie dans lesquelles nous sommes obligés de survivre.

Sur la base de ces conditions répréhensibles et humiliantes, les dirigeants du sud du Cameroun ont cherché, à plusieurs reprises au cours des années, à engager un dialogue pacifique avec les autorités camerounaises. On nous a toujours refusé cette opportunité. Au fil du temps, notre peuple – moi y compris – s’est rendu compte que nous étions simplement victimes d’une autre promesse non tenue et que les signes d’un désastre imminent étaient manifestes. Nos espoirs ont été brisés et beaucoup de nos dirigeants, tant politiques que civils, ont été jetés illégalement en prison. Les manifestations échouèrent. Les tentatives de dialogue de bonne foi également. Nous étions bloqués. Nous avons été battus. Et nous avons été humiliés dans le processus. Nous nous sommes ainsi rendus compte que, collectivement, nous n’avions pas d’autre solution que celle de nous préparer à une confrontation directe, dans laquelle nous présenterions nos corps mêmes comme un moyen de porter notre cause devant la conscience de la communauté internationale.

En termes simples, les habitants du sud du Cameroun ont perdu confiance dans l’expérience du Cameroun – il s’agit bien d’une maladie incurable. Paul Biya et son régime ont impitoyablement réprimé notre peuple pacifique – nos mères, nos pères et nos enfants – avec une barbarie féroce. La guerre a été déclarée à notre peuple. Tout cela pour rappeler aux spectateurs et aux lecteurs que nous ne sommes pas passés de manière irresponsable dans une confrontation directe avec les autorités camerounaises. Nous avons toujours préconisé un règlement pacifique des causes profondes de cette crise. Cependant, Biya et son régime ont pensé le contraire, estimant que la violence pouvait être la solution.

Nous, peuples du sud du Cameroun, n’accepterons plus jamais de vivre avec le statut étroit et institutionnalisé de citoyens de seconde classe – certainement pas sur la terre de nos ancêtres.

Aujourd’hui, le vent de la liberté et l’émancipation appelle votre conscience divine à dire à vos gouvernements et à vos représentants élus dans le monde entier : donnez-nous notre liberté ! Soutenez nos aspirations démocratiques. Cette lutte a dépassé celle d’individus comme moi prêts à payer le prix ultime pour la liberté de notre peuple. Rejoignez notre lutte pour la dignité humaine et la lutte pour le respect de nos corps, de nos cœurs et de nos esprits, de nos traditions et de nos valeurs. La lutte pour l’indépendance complète du Cameroun du Sud est votre lutte. S’il vous plaît, soyez avec nous.

[Democracy in Africa]

Sissiku Julius Ayuktabe est président du gouvernement intérimaire de la République fédérale d’Ambazonie et actuellement prisonnier politique au Cameroun. Il a été le premier vice-président de l’Université américaine du Nigéria et ancien directeur de projets de coordination CISCO dans plus de 23 pays africains.

 
 
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